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Collaboration ou ralliement?

Par Mireille Biret

Publié le 1er octobre 2010

Du fait de l’annexion, résistance et collaboration ne revêtent pas le même aspect en Alsace qu’en France occupée.

Un contexte particulierRevenir au début du texte

Attentisme, ralliement de force ou compromission collective ?

Depuis la fin de la guerre des interrogations s’expriment sur l’attitude des Alsaciens durant l’annexion nazie. Eugène Riedweg a qualifié leur comportement de globalement attentiste. Attentisme ? Cela veut dire que les Alsaciens sont dans l’expectative. Mais ils ne savent probablement pas très bien ce qu’ils attendent, explique-t-il.

Les Alsaciens ont pu, en partie, spéculer sur le vainqueur de la guerre observe de son côté Lothar Kettenacker. Pour Bernard Vogler, il s’agissait d’abord de survivre au jour le jour, de gagner du temps, parfois en donnant un gage pour avoir la paix. Résister, c’était risquer de se faire envoyer au camp de correction de Schirmeck. Alfred Wahl est, lui, plus ferme : Certains Alsaciens se sont indubitablement ralliés volontairement au régime nazi.

Leur adhésion allait bien au-delà d’une collaboration minimale. Mais, dans l’ensemble, on peut dire que la plupart des Alsaciens a été dans l’obligation de se rallier au système : il s’agissait en quelque sorte d’un ralliement de force, analyse-t-il.

Pour Nicolas Stoskopf, le concept d’attentisme ne reflète pas correctement le comportement d’ensemble des Alsaciens restés dans leur région pendant la guerre. L’adhésion forcée au système oblige les individus à se compromettre dans pratiquement tous les secteurs de la vie sociale.

D’une certaine façon, les Alsaciens sont massivement et collectivement compromis, et cela se paye au regard de l’histoire. Pour lui, l’analyse qui consiste à distinguer d’une part les ralliés, d’autre part les attentistes et enfin les résistants est trop simpliste. Nombreux sont ceux qui sont à la fois des ralliés et des résistants, à leur façon.Dans les faits, les gens tentent de feinter avec le système, en étant l’un et l’autre à la fois, analyse-t-il.

Christophe Nagyos, Les Saisons d’Alsace, revue trimestrielle, n°27, juin 2005

Collaboration suppose partenariat. Or, les Allemands ne veulent pas faire des Alsaciens des partenaires, mais des Allemands et des nationaux-socialistes.

Ceux qui acceptent d’exercer des fonctions durant l’annexion approuvent le point de vue nazi et se rallient ainsi à l’idée d’une Alsace allemande, tout en connaissant la nature du régime. Deux motivations principales expliquent ce ralliement: une certaine germanophilie et l’attrait du pouvoir.

Trois grand types de ralliés peuvent cependant être distingués : ceux qui y croyaient, ceux qui en profitaient et ceux qui suivaient.

Une collaboration multipleRevenir au début du texte

Des Milliers de Mulhousiens entendirent Rossé : L’Alsace est maintenant à la place qui a toujours été la sienne

La réunion de masse de mercredi dernier dans la Nouvelle Halle de Mulhouse fut une manifestation imposante pour l’Alsace allemande. Des milliers d’habitants enthousiastes entendirent les pionniers du combat pour les droits du peuple alsacien, Joseph ROSSE et Pierre MOURER.

La réunion organisée par le Service de Secours Alsacien (Els. Hilfsdienst) était présidée par le délégué général de l’Alsace près du Chef de l’Administration Civile en Alsace, le Major d’aviation, Dr. Ernst. ROSSE qui avait passé 10 mois dans les prisons françaises à cause de sa fidélité à l’Alsace rappela que la France ne connaissait les Alsaciens que pour les faire payer ou servir, leur promettant alors tout, sans jamais tenir.

Par contre, Paris combattait vigoureusement le mouvement autonomiste alsacien, puisque ce mouvement était forcément, par sa nature même, un mouvement allemand favorisant l’entente avec l’Allemagne.

La politique scolaire et culturelle française finit par faire que les enfants ne puissent plus lire les lettres de leurs parents, car elle visait à la dégermanisation par tous les moyens.

Et malgré tout, désormais l’Alsace allemande l’a emporté. Chaque Alsacien comprend tout ce que dit le Gauleiter, on n’a plus besoin de se faire tout traduire comme après 1918. Quelle preuve, uniquement du point de vue de la langue, de l’appartenance naturelle de l’Alsace à l’Allemagne.

MOURER invita ses compatriotes à participer à l’essor de leur pays, en se souvenant que l’intérêt général primait l’intérêt particulier. Personne n’aura rien à craindre à cause de son orientation politique passée ; seuls seront éliminés ceux qui sabotent l’essor de l’Alsace nouvelle.

Des applaudissements enthousiastes saluèrent les orateurs.

SNN, 1er août 1940

L’administration et les services de sécurité sont dirigés par des cadres exclusivement allemands, à l’exception de quelques Kreisleiter alsaciens autonomistes. Les maires sont désignés par l’administration civile. Bien qu’enfermée dans un système totalitaire, la population alsacienne a produit peu de ralliés au nazisme.

La majorité des Alsaciens a certes adhéré aux diverses organisations et associations nazies. Il le fallait pour pouvoir vivre au quotidien, ne pas perdre son travail, ne pas paraître suspect aux yeux du parti ou éviter d’être dénoncé.

Le camp de Schirmeck, les transplantations de familles, les arrestations et les exécutions rappelaient en effet aux Alsaciens que les nazis avaient les moyens de les contraindre, sinon à se soumettre, du moins à participer.