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Le massif vosgien

Par la Société mycologique de Strasbourg
Extrait de Paul Hertzog, Champignons d'Alsace et des Vosges (259p), 1981, Ed. Mars et Mercure (Wettolsheim)

Publié le 17 janvier 2012

Les Vosges, aux sols essentiellement acides, offrent un terrain d'observation varié et toute une série de groupements végétaux forestiers. L'étage montagnard est caractérisé par les hêtraies-sapinières, l'étage forestier supérieur ou hêtraie supérieure, les pelouses sommitales (Hautes Chaumes). Telle sera également la progression de notre cheminement mycologique.

Hêtraies-sapinieres et pessièresRevenir au début du texte

Rappelons que de nombreuses espèces, Chanterelles, Pieds de mouton, Cèpes de Bordeaux, Bolet à pied rouge (Boletus erythropus), Golmotte, Russule charbonnière (Russula cyanoxantha) - pour ne citer que les plus connues - grimpent tous les étages de végétation.

Cà et là, la présence du mélèze ajoutera une petite note originale. En effet, il suffit d'un seul mélèze au milieu d'une chênaie ou d'une pessière pour voir fructifier son compagnon inséparable qu'est le Bolet du mélèze (Suillus grevillei). Plus rarement apparaissent le Bolet à pied creux (Boletinus cavipes) ou le Bolet gris des mélèzes (Suillus viscidus). Le pin de Weymouth, lui, abritera le Bolet ivoire (Suillus placidus). Quant au Bolet porphyre (Porphyrellus porphyrosporus), moins exclusif, il fructifie dans les pessières sapinières. Notons aussi la présence du Bolet amer (Tylopilus felleus) et du Bolet à beau pied (Boletus calopus), ce dernier sous hêtre.

Parmi les Russules, nous retiendrons la Russule de fiel (Russula fellea) toujours intimement liée au hêtre, souvent en compagnie du Lactaire pâle (Lactarius pallidus) et, sous conifères, la Russule de Quélet (Russula queletii), la Russule belette (Russula mustelina) observée maintes fois dans les pessières d'altitude, jusqu'à 1 200 m (col du Platzerwasel), la Russule des épicéas (Russula integra), non acidophile, et enfin la Russule bleu ciel (Russula azurea), rare espèce découverte près de Sondernach dans la vallée de Munster. Sous épicéas, on observe assez fréquemment un Lactaire du groupe des Délicieux, Lactarius deterrimus, le Lactaire enfumé (Lactarius picinus), le Lactaire velours (Lactarius lignyotus), et, beaucoup plus rarement, le Lactarius glutinopallens.

Du complexe Vaginata émergent deux Amanites caractéristiques : l'Amanite safran (Amanita crocea) et l'Amanite fauve (Amanita fulva). Sans être des montagnardes exclusives, ces Amanites sont relativement fréquentes dans les Vosges. L'Amanite jonquille (Amanita gemmata), et l'Amanite vireuse (Amanita virosa) semblent affectionner les terrains acides. Quelques Cortinaires méritent d'être également cités : les Cortinaires violets (Cortinarius violaceus, sous feuillus, hercynicus sous conifères), le Cortinaire sanguin (Cortinarius sanguineus), Cortinarius varius, glaucopus et, sous hêtre, Cortinarius cinnabarinus et delibutus.

Parmi les Hygrophores de montagne, notons l'Hygrophore blanc olive (Hygrophorus olivaceoalbus) des pessières d'altitude, les toujours rares Hygrophorus camarophyllus, capreolarius, piceae... et, dès la fonte des neiges, l'Hygrophore de mars (Hygrophorus marzuolus).

Pendant que les litières d'aiguilles se tapissent d'une multitude de Mycènes (zephyra, rosella, luteoalba...), de Marasmes (confluens, androsaceus, perforans...), les troncs et les souches voient se développer de nombreuses espèces lignicoles bien caractéristiques de nos forêts de montagne.

Sur hêtre, mais assez rarement, l'Hydne en forme de corail (Hericium coralloides) atteint des dimensions respectables. Sur plan de coupe des grosses souches d'épicéa s'étale le Tramète odorant (Gloeophyllum odoratum) à forte odeur de vanille ou d'anis, pendant que le très commun Polypore marginé (Fomitopsis pinicola) infecte troncs et vieilles souches. Sur conifères également, le Polypore à odeur de benjoin (Ischnoderma bezoinum) est caractérisé par ses zones bleu-noir. Le Polypore des montagnes (Bondarzewia montana) sur sapin évoque le Polypore géant (Meripilus giganteus) des hêtraies sundgauviennes, mais s'en sépare par sa chair acre et ses chapeaux non noircissants. Enfin, sur sapin ou épicéa, où il vit généralement en saprophyte, le Climacocystis du nord (CIimacocystis borealis) se reconnaît à sa surface feutrée d'aspect raboteux.

Du côté des Agaricales lignicoles, nous retiendrons la Pholiote dorée (Pholiota aurivella) et la Pholiote grasse (Pholiota adiposa) surtout sur feuillus, et sur conifères, Hypholome en touffes (Hypholoma fasciculare), Hypholoma capnoides, Lentinus adherens, Tricholomopsis decora et Pleurocybella porrigens qui développe des chapeaux blancs en forme de spatule.

Tableau de fréquence de quelques espèces des hêtraies-sapinières et pessières d'altitude :
Variétés Fréquences
Amanita crocea, Botetus calopus, Botetus erythropus, Cortinarius cinnabarinus, Cortinarius delibutus R + +
Amanita fulva, Amanita muscaria, Boletus edulis, Hygrophorus olivaceoalbus, Hypholoma capnoides, Lactarius deterrimus, Lactarius pallidus R + + +
Amanita rubescens R + + + +
Cortinarius armeniacus, Cortinarius sanguineus, Hygrophorus capreolarius, Hygrophorus piceae, Lactarius hysginus L +
Amanita virosa, Boletinus cavipes, Gyroporus cyanescens, Suillus grevillei, Suillus placidus, Suillus viscidus, Cortinarius hercynicus, Cortinarius varius, Hygrophorus camarophyllus, Hygrophorus marzuolus, Hygrophorus pudorinus (calcaire), Lactarius glutinopallens L + +
Lactarius lignyotus L + + +

R = Espèce répandue - R + : espèce peu répandue, R + + : espèce assez répandue, R + + + : espèce commune, R + + + + : espèce très commune.
L = Espèce localisée - L + : stations très rares/uniques, L + + : quelques stations, L + + + : plusieurs stations (exemplaires trouvés plus nombreux).

La hêtraie supérieureRevenir au début du texte

Lorsque l'on atteint l'étage supérieur (hêtres, érables, sorbiers) la mycoflore mycorhizique s'appauvrit sensiblement. Cependant au mois d'août, dans de bonnes conditions, ces forêts peuvent se montrer généreuses : Bolets (calopus, chrysenteron, subtomentosus...), Amanites (excelsa, vaginata,....), Mycènes à lait (galopoda, crocata), Marasmes à odeur d'ail (Marasmius alliaceus), Laccaires (laccata, bicolor, amethystina), Inocybe hystrix, etc.

Mais ce sont aussi, et surtout, les champignons lignicoles qui abondent sur ces vieux troncs de hêtres dépérissants.

À côté de l'Amadouvier (Fomes fomentarius), qui aligne ses consoles, signalons Pholiota tuberculosa, de nombreux Mycènes dont les rares renati, acicula, cyanites, des Plutées (cervinus, cinereus)...

Tableau de fréquence de quelques espèces des forêts sommitales :
Variétés Fréquences
Cortinarius delibutus, Cantharellus cibarius, Mycena crocata R +
Amanita excelsa, Boletus calopus, Gyroporus cyanescens, Hydnum rufescens, Mycena renati, Mucidula mucida, Russula fellea R + +
Amanita vaginata, Boletus edulis, Collybia maculata, Laccaria amethystina, Laccaria laccata, Russula cyanoxantha R + + +
Megacollybia platyphylla, Marasmius alliaceus, Russula ochroleuca, Stereum rugosum R + + + +
Mycena acicula, Mycena rorida, Laccaria bicolor, Phyllotopsis nidulans, Russula vesca L +
Leptoporus tephroleucus, Russula brunneoviolacea, Russula curtipes L + +

R = Espèce répandue - R + : espèce peu répandue, R + + : espèce assez répandue, R + + + : espèce commune, R + + + + : espèce très commune.
L = Espèce localisée - L + : stations très rares/uniques, L + + : quelques stations, L + + + : plusieurs stations (exemplaires trouvés plus nombreux).

Les Hautes ChaumesRevenir au début du texte

En débouchant sur les Hautes-Chaumes, la mycoflore s'appauvrit brusquement : plus que quelques rares Entolomes et quelques champignons fimicoles (Stropharia semiglobata, Panaeolus campanulatus et Psilocybe semilanceata).

Par contre, certains bords de route peuvent se montrer intéressants : là poussent une foule de petites espèces, des Entolomes essentiellement, Entoloma asprellum, griseocyaneum, serrulatum, sericellum, sarcitulum... Quant aux pâturages de montagne, proches des fermes, ils voient fleurir les Hygrophores. Ce sont des champignons de couleurs très vives (pas toujours !), à lamelles épaisses et de consistance cireuse.

Voici les principales espèces rencontrées dans les hauts pâturages de la vallée de Munster : Hygrocybe acutoconica, coccinea, laeta, psittacina, punicea, spadicea, splendidissima, unguinosa et le très rare metapodia, pratensis et lacmus.

Les tourbières d’altitudeRevenir au début du texte

Les vieilles tourbières marquées par la dégradation et par l'envahissement de la flore arborescente (bouleau, aulne, épicéa...) montrent toute une gamme de Russules, Lactaires, Bolets, Cortinaires... Nous ne signalons ici que quelques espèces classiques :

Quelques espèces inventoriées à travers diverses tourbières d'altitude
(Machey, Lispach, Rothried, Maxe) :